Un cas d’école : la palette EUROPE en consignation payante

 

Pour confronter la théorie à la pratique, nous nous proposons de décrire dans cet article un exemple de consignation particulière puisqu’adapté à un support bien connu des industriels : la palette Europe (ou SNCF).

Il peut paraître incongru au premier abord de vouloir consigner une palette connue pour être uniquement basée sur l’échange. Seulement cette pratique de l’échange est un marché de dupe car, sous le couvert d’une apparente opération financièrement neutre, il faut bien au bout du compte que quelqu’un paie pour ré-acheminer, trier, réparer ou remplacer, stocker la fameuse palette échangée. Ces coûts, opacifiés par cette opération d’échange en apparence gratuit, fausse ou rend suspect un mécanisme pourtant plein d’intérêts.

 

Démystifions donc ces coûts cachés en les rendant transparents, en rémunérant les postes qui doivent l’être, et en faisant finalement payer les prestations à leur juste valeur.

 

palettes Europe pour consignation

 Un petit rappel sur cette palette :

  • matière 100 % bois dont plots en agglomérés,

  • dimension 80 x 120,

  • format réglementé avec agréement marqué sur les plots,

  • appellation « Europe » ou « Sncf ». Existence de formats équivalents déclassés tel que la « PKP »,

  • qualité de résistance moyenne, c’est-à-dire à notre sens entre une palette perdue et une palette haut de gamme multi-matières ou bois renforcé.

 

 

Problématique :

  • Notre étude se situe dans le cadre d’un industriel (imaginaire) pouvant expédier ses produits sur palettes Europe avec une volumétrie assez importante (10 camions / jour x 33 palettes par camion soit environ 7000 palettes mensuelles, minimum).

  • La production existe déjà sur ce support.

  • Ses clients livrés sont toute France métropolitaine et 10 % export pays limitrophes.

  • Ses transporteurs sont à 40 % des affrètements internes, le reste en enlèvements clients ou franco prestés, donc payés par le client donneur d’ordre ou livré.

  • Le stockage représente environ 2 mois de livraison, considérées comme assez linéaires (peu d’effet de saisonnalité ou, pour le moins, compensée par le stockage de produits finis).

  • La rotation mensuelle moyenne chez les clients est d’environ 1 mois.

  • Le secteur est assez concurrentiel et cet industriel est sur le podium (3ème) dans son domaine de production au niveau national.

  • L’industriel est répartis sur 2 sites de production, distants de 400 km, dans le centre et le nord-est de la France.

  • Cette société n’a quasiment aucun budget à investir dans une réorganisation de sa gestion emballages.

  • Le délai pour la mise en place est de 3 mois.

 

      

Objectifs de la manoeuvre :

  • Stopper le coulage de ses actifs « emballages »,

  • Améliorer l’approvisionnement en palettes Europe,

  • Améliorer la qualité de ses palettes,

  • Obtenir un gain financier dont une partie à rétrocéder au client.

 

Acteurs concernés par le projet :

Chez l’industriel (ou chargeur) :

  • la production : non car utilise déjà ce support,

  • la logistique : stockage à la baisse des palettes vides : travail délégué au(x) collecteur(s) de palettes. Impact positif et faible. Les achats transports vont être positivement affectés puisque la prestation de gestion des palettes Europe pourra être complètement dissocié du transport pur.

  • Le commercial : oui : il faut « vendre » le concept aux clients. C’est probablement le point clé, en dehors de toute considération technique.

  • La gestion : oui : un suivi est nécessaire. C’est le poste qui est la plus impacté par cette mise en place.

 

 

Chez le client :

  • Il faut un interlocuteur « gestionnaire des palettes » qui saura notamment effectuer les « appels de collectes » et suivre le compte client

 

Chez le transporteur :

  • Le contact commercial doit prendre en compte que, si l’échange de gré à gré reste possible, son organisation a changée et – surtout – il n’est plus obligatoire. Pour les affrètements, si cette prestation était incluse dans le prix du transport, une moins-value peut être envisagée.

 

Chez le collecteur :

Il s’agit là d’un nouvel acteur / partenaire chargé de ramasser les palettes, les comptabiliser, les trier, les réparer, les acheminer chez le chargeur. Ce peut-être

  • le chargeur qui fait office de collecteur de ses supports,

  • le transporteur tel que probablement le cas déjà pour les Europe,

  • un collecteur dont c’est le métier (hé oui, cela existe).

 

 

Les flux physiques et administratifs :

 

 

Les flux financiers :

Nous allons compter en base 10, avec des coûts ne réflétant pas forcément la réalité, cette dernière étant sujette à de nombreux aléats (localisation, disparités géographiques, qualité nécessaire, etc…).

 

Essayons de comparer les deux systèmes, entre l’échange transporteur et la consignation payante, tout en gardant bien à l’esprit que des éléments ne sont pas ou peu « chiffrables » (fiabilité transporteur, impacts des supports sur la production, stockage, …)

 

 

Postulats :

  • coût achat palette Europe = 10

  • solidité pour 5 rotations

  • taux de retour échange (constat empirique) = 0,9

  • stockage 1 mois en zone non couverte = 1

 

 

  Echanges Consignation
Type de coût Chargeur Transporteur Client Chargeur Transporteur Client Collecteur
Achat (5 rotations) 2     2      
Collecte   1         0,8
Tri / réparation / Gestion 1           1
Réacheminement   0,5         0,3
Stockage (/ mois) 0,2   0,2     0,1 0,3
Consigne       -10   10 0,2 (traça)
Déconsigne       8   -8  
Perte support 0,2           0,2
Totaux coûts 3,4 1,5 0,2 0 0 2,1 2,8

 

Analyse du tableau :

NB : Le total du coût échange (5,1) est inférieur à la consignation (4,9) en raison du fait que le collecteur est un professionnel spécialisé sur lequel on peut envisager un gain de productivité raisonnable.

 

 

pour le transporteur :

  • + : la gestion de la palette devient indolore. Le chargeur peut envisager de demander une baisse du coût du transport. Conditions de travail du transporteur plus favorables.

  • – : non

 

pour le collecteur :

  • + : ce nouvel intervenant trouve une source de travail dans sa spécialité. Il peut consolider une structure existante.

  • – : collectes parfois compliquées en fonction de la typologie des points de collectes. Il doit surveiller de près son prix de revient.

 

pour le client :

  • + : baisse du stockage palettes et gestion responsable de la ressource (Image de l’entreprise).

  • – : impact financier à répercuter sur le client final.

 

pour le chargeur :

  • + : les palettes ne sont plus une charge financière, elle permettent une avance de trésorerie lors de la consignation de départ, voir même un gain (3,4 en échange, 2,8 en consignation (coût du collecteur à prendre en charge) = + 0,6 pour le chargeur). Gain qualitatif car opéré par un prestataire spécialisé.

  • – : il faut convertir une partie de la ressource humaine pour une gestion plus administrative des palettes, versus la manutention requise par l’échange.

 

Le bilan global semble donc positif, à condition que l’opération soit correctement perçue par le client. Un effort de pédagogie semble donc devoir accompagner cette mise en place.

 

 

Laurent AUPLAT

Gérant Sarl ACROBAS

 

(article reproductible à condition de laisser cette signature)

 

 

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